RENCONTRE AVEC MARC OZIAS, LE JEUNE MAROQUINIER FRANçAIS QUI A CRéé LE SAC PRéFéRé DE BEYONCé

Combien de fois a-t-il promis à sa mère que Beyoncé porterait, un jour, l'un de ses sacs ? Impossible à chiffrer. Enfant, Marc Ozias n'avait qu'une obsession : devenir créateur de sacs et les voir porter par des célébrités. Depuis quatre ans maintenant, il crée des pièces de maroquinerie sur mesure avec la marque qui porte son nom. Le 17 avril, sa carrière a pris un tournant fulgurant. « Il était une heure de matin et par chance, on ne dormait pas encore, se souvient le designer, encore ébahi. Le styliste de Beyoncé nous a prévenus de la publication. J'ai foncé sur son compte Instagram et j'ai vu notre sac, là, à sa main. J'étais sous le choc. »

Sur le carrousel de photographies, l'épouse de Jay-Z prend la pose dans un tailleur en jean à détails lacets signé Alexander McQueen et d'épaisses bottes Givenchy à cadenas mais, c'est surtout son sac à mains qui a attiré l'attention. Cuir façon denim, courbes wavy façon bords relevés d'un chapeau de cowboy, courte anse et inscription « Jolene » en lettres capitales… un sac signé Ozias. Pour comprendre comment le dernier né d'une jeune marque française s'est retrouvé entre les mains de la star, retour quelques semaines en arrière. « Je suis en contact avec un de ses stylistes depuis au moins deux ans, nous raconte Enrique Lemercier, responsable de la communication d'Ozias. Quand Marc s'est lancé dans cette création pour suivre l'inspiration country de Beyoncé, on a décidé de lui envoyer un exemple, en urgence, à Los Angeles. Il a adoré. » Visiblement, Beyoncé aussi.

De Barbara à Beyoncé

Sur Instagram, la diva met à l'honneur de nombreux créateurs de mode, qu'ils viennent de maisons de luxe ou de marques plus confidentielles. En revanche, elle garde le mystère : on ne sait ni à quelle occasion sont prises ses photos, ni quel est le nom des marques qu'elle porte puisqu'elle ne les mentionne pas. Ses fans, regroupés sous le nom de communauté de Beyhive, se muent en enquêteurs à chaque nouvelle photo postée pour identifier toutes les pièces qui composent ses tenues. Avec Beyoncé, on voit double : la chanteuse a l'habitude de partager ses photos sur son compte Instagram (suivi par 319 millions d'abonnés) et sur son site internet officiel, en grands formats.

« On a eu un bon réflexe, plaisante Marc Ozias. Quand j'ai repris mes esprits après avoir vu les photos, j'ai écrit un petit commentaire très personnel. Je l'ai posté si tôt qu'il a été très vu et liké. Il est remonté en première place des commentaires. Ça a créé un pic de visibilité énorme sur notre page Instagram. Sans ça, on serait peut-être passés à la trappe. » Le commentaire en question est une touchante adresse à la chanteuse, pleine de reconnaissance : « Beyoncé, quand j'étais petit, je n'arrêtais pas de dire qu'un jour je ferais un sac pour toi. Les gens pensaient que j'étais juste un gamin qui disait des bêtises. Mais je ne plaisantais pas. Merci de montrer au monde qu'il ne faut jamais abandonner ses rêves. »

Jamais Marc Ozias n'aurait imaginé un tel tremplin pour sa création. « On m'avait dit qu'elle l'avait porté et qu'elle l'aimait beaucoup. Moi, j'étais déjà le plus heureux des hommes d'imaginer que sa main ait touché mon sac. » Pourtant, au fond de lui, il y croit depuis qu'il est tout petit. S'il avoue être « encore sur son nuage », il n'est pas étonné d'avoir réussi à atteindre une personnalité de l'envergure de Beyoncé. « Ça change tout en termes de crédibilité, bien sûr, mais ça ne m'a jamais paru impossible. Surtout grâce à mes parents. » Sa mère rêvait d'être chanteuse, son père, mécanicien. Ni l'un ni l'autre n'ont pu donner libre cours à leurs aspirations, encouragés à suivre d'autres voies par leurs propres parents. Malgré ses rêves contrariés, la mère du designer a eu le privilège d'entretenir une longue correspondance avec Barbara. Elle s'est donné pour mission de ne jamais brider les ambitions de son fils.

Le sac-bouclier de Victoria Beckham

Le déclic ? Victoria Beckham. Marc Ozias a beaucoup souffert de harcèlement scolaire. Comme de nombreuses victimes, il s'est réfugié dans des passions très concrètes. Pas de fantasme, beaucoup de détermination. « J'étais très fan de Victoria Beckham, sourit-il. Dans les années 2000, elle était connue pour sa folle collection de sacs. Je me reconnaissais en elle parce qu'on la voyait toujours marcher avec un visage un peu fermé. Elle portait son sac comme un bouclier. J'ai eu envie de faire des sacs-boucliers pour toutes les autres stars. » Le Jurassien a « planifié sa vie » pour y parvenir : « Je passais mon temps sur Photoshop à créer de faux sacs. J'ai même monté une boutique de sacs que j'aménageais sur Sims. » Malgré cette foi inébranlable, le parcours scolaire fut chaotique. « Juste avant mon Bac, je suis monté à Paris avec mon papa pour passer un entretien afin d'intégrer la branche maroquinerie de l'école Grégoire Ferrandi. Je n'ai pas été retenu. »

Une licence en fac de suédois pour maîtriser d'autres langues (« Ne me demandez pas pourquoi, j'étais obsédé par la Suède ») et il rentre enfin en CAP Maroquinerie, en alternance. Neuf mois plus tard, il intègre la maison Louis Vuitton, en commandes spéciales. De 2016 à 2019, il s'occupe des malles de voyage. Sa rencontre avec Enrique Lemercier le pousse à lancer sa propre marque. « J'ai trouvé quelqu'un qui allait pouvoir accompagner et partager ma passion pour la pop culture et le fait main. C'était le bon moment pour nous. » La marque OZIAS éclot en 2019. Le parti-pris ? Des sacs-objets aux formes sculpturales voire architecturales, conçus comme des pièces de design. Le mot d'ordre ? Amusement. Le jeune créateur veut mettre dans ses sacs l'humour que certains de ses confrères insufflent à la mode. « La maroquinerie est encore un monde très sacralisé. Moi, je voulais faire un sac hommage à la tenue éponge de bain portée par Travis Scott dans un célèbre photoshoot. » Le sac s'appelle Soap. Suivront The Panther en fausse fourrure, hommage à Naomi Campbell, The Corset en cuir vinyle rose, hommage à Billie Eilish ou encore The Crow, hommage à Madonna.

« Jolene, I know I'm a queen, Jolene »

Ces créations font partie de la collection Tribute to pop culture, le grand projet de Marc Ozias. Concrètement, il s'est lancé le défi fou de rendre hommage à ses passions culturelles -icônes de mode, d'arts, de scène, d'entertainment- par la maroquinerie. Depuis quatre ans, son graphisme avant-gardiste a séduit de nombreuses stars. Madonna, Usher, Jenna Ortega, Eddy de Pretto, Bilal Hassani et même le styliste de Michelle Obama, celui de Rosalia… Ozias mise sur un créneau singulier : faire du sur-mesure, avec une fabrication en interne (entendre par-là : assurée par le créateur en personne), par commande. Alors, quand le styliste Nikita Vlassenko se tourne vers lui pour imaginer un sac porté Bilal Hassani à l'avant-première de Barbie, Marc Ozias crée un sac malle orné du B de la plus célèbre poupée du monde. Cette fois, c'était aussi le B de Bilal.

Dans la nébuleuse des stars planétaires, Beyoncé a toujours eu une place à part dans son coeur. En tant que membres de la Beyhive, Enrique Lemercier et Marc Ozias ont décrypté toutes les tenues portées par la chanteuse pendant la tournée Renaissance. La célèbre combinaison d'abeille Mugler, portée pendant le tableau America Has a Problem, lui a inspiré le sac The Bee. Avec Jolene, Marc Ozias est allé encore plus loin : « Avant même que la tracklist de l'album Cowboy Carter soit dévoilée, j'étais persuadée qu'elle ferait une reprise de Jolene. J'écoute celle de Miley Cyrus tous les jours et je croyais fort en une version par Beyoncé. » Il s'est donc lancé dans la confection du sac The Cowboy, avec sa déclinaison custom pour l'interprète de TEXAS HOLD'EM.

Les fans avaient déjà apporté une grande visibilité à ses créations depuis The Bee. Désormais, tous veulent se promener avec un Jolene à la main. Les commandes explosent, en particulier venues des États-Unis. Face à la demande, Marc Ozias songe à agrandir son équipe ou plutôt, son duo.

Sac fond de teint et maison de poupée

Quand on lui demande quelles sont ses perspectives après ce coup de projecteur titanesque, il reste pragmatique : « J'aimerais avoir, enfin, un showroom à Paris. Un vrai studio de création. Je songe aussi à déléguer la fabrication de la collection permanente. » Un sourire en coin et il confesse : « J'adorerais vivre entre Paris et New York. » Ses futures collaborations lui ouvrent les portes d'Hollywood. Pour Vanity Fair, il dévoile deux projets d'envergure. « L'un des prochains sacs de la collection Pop Culture sera un hommage à Kylie Jenner, Foundation, clin d'oeil à sa marque de cosmétiques Kylie Skin. J'ai imaginé un cuir vinyle avec une couleur nude qui dégouline. Un peu comme un fond de teint. » L'autre grand projet s'appelle… Beetlejuice Beetlejuice. L'équipe de l'actrice Jenna Ortega, nouvelle muse fantastique du réalisateur, a demandé à Marc Ozias un sac pour la tournée promotionnelle du film. « J'ai déjà réfléchi à un sac qui ressemblerait à une maison de poupée, inspiré par la maison de Beetlejuice. Quelque chose auquel on ne s'attend pas et qui déroute visuellement. »

Il rêve de travailler pour Kim Kardashian et Cindy Crawford, aspire à voir ses créations considérées comme les « références du sac sur-mesure », omniprésentes sur les tapis rouge. « Normalement, travailler avec Beyoncé, c'est l'apogée d'une carrière. Pour nous, tout commence. C'est fou. » Quand l'ambassadrice de la marque s'appelle Beyoncé, tous les rêves sont permis.

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